Comment améliorer le bien-être au travail : management et culture de réunion
Comment améliorer le bien-être au travail? Quel lien avec les réunions? Gaël Chatelain-Berry partage son expertise, ainsi que des clés pour repenser votre leadership et votre culture de réunion afin de favoriser le bien-être au travail.
S’il existe un expert dans le domaine du bien-être au travail, c’est bien Gaël Châtelain Berry. Dans son podcast Happy Work , le podcast le plus écouté en France sur le bien-être au travail, il partage quotidiennement aux dirigeants et à leurs équipes des conseils pour mieux travailler ensemble, pour mieux travailler soi-même, et au final, pour se sentir bien et plus productif au travail. Au sein de cette interview, nous souhaitions aborder avec lui le sujet des réunions et du bien-être au travail, impossibles à dissocier. Au sein de cet échange passionnant, il partage avec nous sa définition du bien-être au travail, sa vision sur les réunions actuelles et des conseils aidant les dirigeants à améliorer leur culture de réunion pour favoriser le bien-être en entreprise.
Comment définissez-vous le bien-être au travail ? Quels en sont les éléments clés ?
Gaël Chatelain-Berry : La définition est assez simple : le bien-être au travail représente tous les éléments matériels ou immatériels qui contribuent au bien-être psychologique et physique des salariés. C’est donc un concept très vaste, puisque ça va de la qualité de l'air à la qualité du management. Selon moi, l’élément central du bien-être au travail, c’est le management. Pourquoi? Je prends toujours cet exemple de la qualité de l’air : si l’air est irrespirable, c’est le manager qui doit se charger de le rendre respirable. Si la luminosité n’est pas bonne, c’est pareil. Un manager se doit de répondre aux besoins de ses équipes. Le point de départ absolu, c’est le management.
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Qu’est-ce qui vous a attiré vers le sujet du bien-être au travail ?
Gaël Chatelain-Berry : J'ai été manager pendant plus de 20 ans au sein de grands médias et de grandes équipes, et j'ai toujours été intuitivement quelqu'un de bienveillant avec mes équipes.
Or, lorsque j'ai commencé à encadrer des managers, je me suis aperçu que ce que je pensais normal et intuitif ne l'était en fait pas du tout. Et pour cause, j’ai fait une grande école de commerce et j’ai été formé en tout et pour tout 3h au management sur tout mon cursus. Il semble que les universités et même les entreprises n’aient pas encore compris qu’il faille former au management. J’ai donc eu envie de changer cela. Aujourd’hui, le nombre de burn-outs augmente partout en Europe, et je ne trouve pas cela normal. Beaucoup de personnes commencent leur journée de travail avec une boule au ventre, et cela non plus, ce n’est pas normal.
Être heureux en entreprise ne tient pourtant pas à grand-chose : juste à changer l'être humain sur deux ou trois petits détails.
Pendant la pandémie, on a découvert que l'être humain était important. Tous les paradigmes ont été inversés et le bien-être en entreprise est au centre des préoccupations.
Quels KPIs peuvent être utilisés pour le mesurer ? Existe-t-il de bons indicateurs ?
Il y a une mesure très simple, c'est l'absentéisme. Et derrière, son corollaire : le turn-over. Quand je travaille avec de grandes entreprises, je leur propose de regarder plusieurs équipes commerciales, par exemple, et d’analyser l'absentéisme et le turn-over : ils réalisent souvent des disparités entre les différentes équipes. Quelle est la variable d'ajustement? Le management.
Il est d’ailleurs selon moi assez atterrant de voir que beaucoup d'entreprises ne connaissent pas leur taux d'absentéisme qui est pourtant un indicateur inestimable du bien-être au travail pour les dirigeants.
Quel est le lien entre les réunions et le bien-être au travail ?
J’aimerais commencer par partager trois éléments statistiques :
- Le phénomène de réunionite : un cadre français passe en moyenne 24 jours (de 24h) par an en réunion.
- Plus de 50 % du temps d'une réunion n'est pas consacré au sujet de la réunion.
- Les équipes se plaignent de ne pas voir leurs managers qui sont toujours en réunion.
Il y aurait-il éventuellement quelque chose à faire pour que les choses changent? Oui, le lien entre réunions et bien-être au travail est clair. Il n'y a rien de pire que des réunions qui durent 3 heures, et/ou dans lesquelles on se demande “Qu’est-ce que je fais ici?”. Jeff Bezos avait envoyé il y a 3 ans une note à ses salariés d’Amazon pour leur indiquer de quitter une réunion au bout de 5 mn s’ils ne se sentaient pas utiles. Sans parler d’un autre problème : le grand nombre de réunions qui ne comportent pas un véritable ordre du jour. Selon moi, ces dernières devraient être systématiquement annulées !
Arrêtons de perdre du temps en réunion. Choisissons les participants et invitons uniquement les personnes qui peuvent pleinement contribuer. Concentrons-nous sur le sujet de chaque réunion. Chaque manager devrait pouvoir se responsabiliser sur le temps passé en réunion, et les entreprises devraient agir pour améliorer leur culture de réunion.
Que peuvent faire les dirigeants pour améliorer leur culture de réunion comme facilitatrice d’un meilleur bien-être au travail?
Gaël Chatelain-Berry : Comment améliorer le bien-être au travail via les réunions ? Pour commencer, adopter de meilleures pratiques de réunion. Cela commence par la mise en place d’un ordre du jour de réunion pour chaque réunion. Mais aussi, par la limite du temps de réunion, et du nombre de participants que l’on choisit avec soin. Et enfin, pour chaque réunion, un procès-verbal de réunion devrait être rédigé et partagé dans les 30 minutes après la réunion.
Je travaillais avec une entreprise et nous avions limité les réunions à 30 mn et les participants à 5, en appliquant ces règles : en moins d'un mois, on a divisé par deux le nombre de réunions organisées par les membres du Comex .
L'idée, ce n'est pas de lutter contre les réunions, c'est de rendre les réunions véritablement efficaces . En organisant des réunions efficaces, on gagne beaucoup de temps précieux pour d’autres choses, et notamment le temps libre, si essentiel au bien-être.
Mais il y a un autre lien important entre réunions et bien-être au travail, car la source du bien être, c'est la libération de la parole. Pouvoir dire les choses, faire preuve d’écoute, libérer les tabous, c’est essentiel pour la santé d’une équipe. Si les réunions ne proposent que de l'information descendante, elles n’ont aucun intérêt. Il faut qu’elles facilitent l'échange constructif. Alors, libérons la parole. Google l’avait fait magnifiquement bien pendant la pandémie : les managers organisaient des réunions pour parler de leur mal-être pendant le confinement. C’était un message fort, pour les managers, de se mettre à nu et de parler ouvertement de tout, d’assumer leurs émotions. On a le droit d’avoir des émotions au sein d’une équipe.
De même, les entreprises doivent se rappeler que le bien-être de la personne A n’est pas celui de la personne B. Arrêtez vos politiques d'accords de télétravail/travail hybride. Le télétravail pour quelqu'un de 21 ans qui est jeune diplômé, pour une mère de famille ou pour quelqu'un en pré-retraite, ce n'est pas pareil. Arrêtez d’imposer 2 ou 3 jours au bureau, c'est aberrant. C'est lutter contre une tendance contre laquelle les employeurs ne pourront pas aller. Je pense sincèrement que demain, tout sera en horaires flex et en flex office. Le CDI va disparaître. Les jeunes générations accordent énormément d’importance au bien être dans le cadre de leur travail.
En organisant des réunions efficaces, on gagne beaucoup de temps précieux pour d’autres choses, et notamment le temps libre, si essentiel au bien-être.
Si un dirigeant devait dès aujourd’hui appliquer 3 conseils pour de meilleures réunions comme facilitatrices du bien-être au travail, que conseillerez-vous ?
Une phrase que j'adore, c'est : “un escalier se nettoie toujours par le haut”. Tous vos comportements en tant que dirigeant seront dupliqués par l'ensemble de votre structure. Donc les trois conseils que je vais donner, il faut déjà les appliquer à soi-même dans le quotidien.
- Le premier conseil, ce serait de supprimer tous les tabous et ce dans toutes les réunions. Parlez du burn out, parlez des sujets sensibles, et libérez la parole. Cela passe aussi par demander du feedback sur votre management à votre équipe, afin de vous améliorer constamment en tant que manager.
- Le deuxième conseil serait de former les managers. Selon moi, il y a une urgence. Une grande partie des managers n’ont jamais reçu de formation sur le management ni sur la gestion de réunions : il serait temps qu'on tape du poing sur la table, car même à 40 ans, étant manager, on a encore beaucoup à apprendre. Il n’est pas tolérable que votre équipe ne se sente pas bien à cause de vous ou de vos méthodes. Bien entendu, si une personne de votre équipe se sent mal pour des raisons exogènes, il n'y a pas de problème avec votre management. Mais son mal être ne peut pas trouver sa source dans votre management. Alors formez-vous en tant que manager, organisez de meilleures réunions permettant de libérer la parole puis écoutez les membres de votre équipe, car il n’y a pas de vraie libération de la parole sans écoute.
- Et le troisième conseil, c’est de relativiser. Je crois qu’on se prend beaucoup trop au sérieux dans notre travail. On ne sauve pas des vies 24h/24, et notre travail, aussi important soit-il, ne doit pas prendre le pas sur tout le reste. Cela passe donc par relativiser, et être capable en tant que dirigeant de se responsabiliser quant au temps passé en réunion et à respecter le temps des autres.
J’ai été très marqué par ma rencontre avec le chef de chirurgie cardiaque d'un grand CHU : il avait mis en place plusieurs dispositifs pour favoriser le bien-être de ses équipes. Il avait fait cela car leur métier était bien entendu extrêmement stressant. Mais il m’a quand même dit : “On doit se relaxer. On ne sauve pas des vies 24h/24. Pendant l’acte chirurgical, oui, on sauve une vie, mais tout le reste du temps, je rappelle sans arrêt à mes équipes qu’il faut veiller à leur bien-être”.
Chaque dirigeant doit se responsabiliser et appliquer des changements dans son management pour veiller au bien-être de ses équipes : en commençant par un changement personnel, puis en étant le moteur du changement. Adams Smith, le premier théoricien du capitalisme, expliquait déjà au XVIIIᵉ siècle dans ses écrits qu'un patron devait prendre soin de la santé de ses ouvriers, et prendre soin de l'éducation des enfants de ses ouvriers. Ce concept de bon sens du bien-être au travail n’a donc rien de nouveau. Il y a juste eu une parenthèse atroce de 30 à 40 ans, ou on a considéré l'être humain comme quantité négligeable en entreprise, et comme une machine.
Alors, comment améliorer le bien-être au travail ? Il y a aujourd’hui une responsabilité portée par chacun d'entre nous et c'est pour ça que je porte le message que j'essaye de porter. Avant de dire “je compte sur ma boite ou sur l'état pour changer” , changez-vous vous-même et soyez quelqu’un de bien dans votre périmètre de vie personnel et professionnel. C'est ce que je dis à mes garçons, soyez quelqu’un de bien. En entreprise, je vous assure que cela fait des merveilles, et que c’est aussi simple que cela. Pas besoin de grandes théories.