Culture organisationnelle et réunions : un avantage concurrentiel
Paul Axtell est auteur, conférencier et formateur en entreprise. Il offre ses services de conseil et de formation à l'efficacité individuelle à de nombreuses entreprises. Dans cet article, il explique l’importance de construire et de développer une culture organisationnelle saine et efficace.
Commençons par un constat simple :
- Les réunions sont soit un avantage concurrentiel pour votre organisation, soit une source de frustration majeure et une perte de temps.
- Cette composante de votre culture organisationnelle ne peut que s’améliorer ou empirer. Il n’y a pas de statu quo, surtout depuis cette déferlante de réunions virtuelles.
J'ai un collègue, Dave, qui a accepté un transfert de 18 mois. Il est passé des opérations à la planification stratégique afin d'élargir sa connaissance de l'entreprise. Le dernier jour où Dave a travaillé à la planification stratégique, le commentaire du PDG a été révélateur : « Pour la première fois de mon mandat, j'ai l'impression que nous savons vraiment où en sont chacune de nos initiatives et chacun de nos projets. C'est le résultat direct de la façon dont Dave a organisé et animé nos réunions. » Les réunions constituent un avantage concurrentiel pour toute organisation qui maîtrise l'art de rassembler les gens pour faire avancer les initiatives, les objectifs et les projets.
Parfois, comme dans le cas du leadership de Dave, il faut assister à une très bonne réunion pour se rendre compte que les vôtres ne le sont pas. Soyez prudent, cependant. Ne jugez pas la culture de réunion au sein de votre entreprise en vous basant uniquement sur les réunions auxquelles vous assistez. Je pense que de nombreux dirigeants n'ont pas conscience de la frustration que suscitent les réunions dans leur organisation. Les discussions autour de la culture organisationnelle d’une entreprise s’accompagnent souvent d’une litanie de plaintes concernant les réunions. Et il n’est pas rare que des collaborateurs travaillent chez eux après leur journée au bureau, tout simplement parce qu’ils passent tellement de temps dans des réunions improductives qu’ils n’ont plus le temps d’accomplir les tâches qui leur sont confiées.
Ce qui est intéressant, c'est que la plupart des organisations ne disposent pas d'une bonne stratégie pour apporter une réponse à ces frustrations et lutter contre la réunionite . De nombreux managers préfèrent se concentrer sur la réduction du nombre de réunions ou sur l’instauration de périodes sans réunion. Or, si toute tentative de réduire le temps passé en réunion est un pas dans la bonne direction - et montre au moins que les managers sont conscients de l’effet néfaste des réunions sur leurs collaborateurs - la réduction de leur nombre n'est pas la meilleure approche.
La stratégie la plus payante consiste à se montrer extrêmement efficace dans chaque réunion : se réunir, faire le travail qu’il y a à faire, clore les discussions, puis assurer un suivi pour garantir la progression des différents sujets entre chaque réunion.
Les compétences pour mener cette stratégie à bien font souvent défaut dans la plupart des organisations. La capacité à organiser et à animer des réunions est rarement une compétence figurant dans les plans de développement du leadership. Ce manque de compétences en matière de mise en œuvre de processus organisationnels efficaces est un problème bien plus grand que le nombre de réunions auxquelles nous devons assister. Et il est surprenant que peu d’entreprises cherchent à acquérir cet avantage concurrentiel.
Pourquoi ? Parce que les dirigeants ne réalisent pas toujours qu'il existe une meilleure façon de faire. Ou peut-être ont-ils fini par accepter le concept de réunions improductives comme un mal nécessaire. Or, rien n’est moins vrai.
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Processus organisationnels et réunions : la question du nombre
L’augmentation continue du nombre de participants a fortement impacté la culture des réunions. Les attentes en matière d’ inclusion en réunion ont fait augmenter leur nombre bien au-delà de la taille optimale de huit personnes. La règle de huit n’est pas absolue, mais prenez en considération l'impact d’avoir une vingtaine de participants à une réunion : les discussions sont réduites au partage d'informations ou à la définition d’objectifs, et les participants n'ont pas le temps d'ajouter de la valeur aux échanges en posant des questions ou en suggérant des changements. La plupart des personnes se résignent donc à une écoute passive, tandis que d’autres dominent la conversation. Il n’y a donc plus de « sagesse de groupe ». L’avantage des petits groupes, c’est qu’ils peuvent effectivement réfléchir ensemble et faire ainsi émerger de nouvelles idées.
L'impact des personnes, des processus et de la technologie sur la culture de réunion
De nos jours, la plupart des gens accordent une grande importance à la technologie. Le facteur humain reste sous-estimé. Pourtant, ce sont des femmes et des hommes qui composent les entreprises, et c’est leur volonté de contribuer à la réussite de l’organisation qui a le plus fort impact. Prenez la sécurité, la qualité ou la diversité : lorsque les entreprises accordent de l’importance à ces sujets, cela se voit. Lorsque ce n’est pas le cas, cela se voit aussi. Il en va de même pour les réunions. Il s'agit de vraies personnes qui se rassemblent dans une même salle : se sentent-elles concernées ? Sont-elles préparées ? Vont-elles participer ?
Des processus de réunion efficaces , en revanche, peuvent faire progresser une réunion de façon spectaculaire. Le fait d'avoir une ligne directrice lorsqu'on recherche un alignement pour soutenir une décision ou résoudre un problème permet de rester concentré sur la conversation. C'est l’une des fonctions de la planification des réunions. Désigner un responsable pour chaque point à l’ordre du jour contribue à faire progresser les échanges. De même, avoir un processus pour clore la conversation signifie que toutes les personnes qui quittent la réunion savent exactement qui va faire quoi et à quel moment, et ce que cela implique pour tous les autres participants.
Les réunions productives accroissent l’influence de chaque participant - si la réunion est organisée et animée de manière à tirer parti du temps et de l’expertise de chaque personne.
L'une des questions fondamentales que nous devrions tous nous poser est la suivante : est-ce que la façon dont nous utilisons notre temps est alignée avec nos priorités ? Sans des processus organisationnels clairs et pertinents, le temps que nous passons en réunion ne peut pas contribuer pas à la réalisation de nos objectifs et nos priorités.
Les équipes performantes possèdent ces trois éléments : une sécurité psychologique , une participation marquée dans les échanges et un taux élevé de réalisation des actions entre chaque réunion. Chaque personne présente a des points de vue, des idées, des questions et des préoccupations qui lui sont propres. Cela l’amène à vouloir apporter sa pleine contribution. En plus de leur expertise individuelle, l’expérience des personnes en matière de réunion peut faire toute la différence lors des discussions.
De l’importance d’aligner les personnes, les processus et la technologie
Les processus organisationnels et la technologie doivent être au service des personnes. La technologie doit être pensée pour améliorer la participation et l’expérience de réunion des collaborateurs. Les processus, quant à eux, doivent permettre à tous de donner le meilleur d'eux-mêmes. Les réunions à distance sont un moyen de participer à davantage de réunions, sans contrainte de lieu. Cet espace permet de créer des liens et de partager des connaissances, tout en réduisant les frais de déplacement et en augmentant notre capacité à travailler à un niveau individuel et global. Imaginez un peu la différence si toutes vos réunions étaient organisées et animées de manière à ce que chaque personne donne le meilleur d'elle-même !
Les éléments qui influent sur le temps passé en réunion
Il y a trois éléments qui impactent directement le temps passé en réunion :
- La préparation des participants
- La clarté de l’ordre du jour
- L’animation de la réunion et l’enchaînement des discussions.
Il est également utile que chaque participant soit conscient de l'intérêt de s'exprimer de manière claire, concise et pertinente. Je pense souvent au livre de Geoff Colvin, « Talent is Over-Rated » qui démontre que la pratique délibérée est un facteur de réussite dans tous les domaines. Apprendre à parler de manière claire et concise demande de l’entraînement.
Trois autres facteurs sont également déterminants dans la réussite : l'attitude, la préparation et l'éthique de travail. Chacun de ces facteurs s'applique aux réunions et à la culture de réunion. La préparation est certainement le facteur le plus important et le plus souvent négligé. La plupart des dirigeants n'ont pas le temps de préparer leurs réunions, et cette tâche ne les passionne d’ailleurs pas particulièrement. Si tel est le cas pour vous, chargez une personne de rédiger l’ ordre du jour , d’organiser la réunion et de l’animer. La pratique qui consiste à ne pas se préparer et à se rendre à la réunion en se disant que l’on va « improviser » est courante et inefficace.
Ce qui caractérise des processus organisationnels inefficaces et leur impact sur la culture de réunion
Voici la liste des sept principaux problèmes. En les évitant, vous mettrez réellement à profit le temps que vous passez en réunion tout en en réduisant leur nombre :
- Organiser une réunion lorsque ce n’est pas nécessaire
- Inscrire à l'ordre du jour des sujets qui peuvent être traités d’une autre manière
- N’avoir personne en charge de l’animation de la réunion
- Permettre à certaines personnes de dominer la conversation
- Inviter des personnes dont la contribution n’est pas requise
- N’avoir aucune définition claire des prochaines étapes et ne désigner aucune personne comme étant responsable de leur réalisation pour une échéance précise
- Ne pas réaliser de suivi entre les réunions afin de maintenir la dynamique de groupe.
Des conseils pour changer votre culture organisationnelle
Voici un récapitulatif :
- Limitez les sujets à l’ordre du jour
- Consacrez suffisamment de temps à chacun d’eux
- Invitez uniquement les personnes dont la contribution est nécessaire : essayez d’en limiter le nombre à huit ou moins
- Chargez une personne de l’animation de la réunion
- N’ayez pas recours à la technologie, sauf si elle est réellement nécessaire
- Instaurez un processus de clôture pour chaque sujet à l’ordre du jour
- Assurez-vous de créer un climat de sécurité psychologique permettant à chaque personne de se sentir en sécurité pour partager honnêtement ses opinions
- Élargissez le champ des contributions de manière à obtenir des perspectives variées
- Créez des procès-verbaux clairs et détaillés afin que les échanges et les décisions prises durant la réunion aient une application concrète
- Effectuez un suivi entre les réunions afin que les décisions soient appliquées.
Le rôle des dirigeants durant les réunions
Les dirigeants jouent un rôle beaucoup plus large que celui d’être simplement la personne la plus haut placée dans une réunion.
Tout d'abord, il est essentiel d'écouter les discussions avec attention. La compréhension, la perspicacité et l'empathie découlent de l'attention portée à la personne qui s’exprime. Pour cette raison, il peut être préférable de demander à quelqu'un d'autre que vous de se charger de l’animation de la réunion afin de pouvoir vous concentrer sur les échanges.
Ensuite, demandez à ce que la participation soit large, même si cela implique d’inviter des participants supplémentaires. Assurez-vous que la réunion se déroule dans un climat de sécurité psychologique propice à la mise en œuvre d’une sagesse de groupe. Cela n’est possible que si chaque participant est encouragé à contribuer pleinement aux discussions.
Il est important de réserver votre contribution aux cas pour lesquels elle apporte une vraie valeur ajoutée, que vous seul pouvez fournir en raison de votre position et de vos perspectives. Les interventions d’un dirigeant ont beaucoup de poids et celles-ci ont plus d’impact lorsqu’elles sont réfléchies et délibérées. S’exprimer beaucoup et souvent, ou chercher à diriger les débats peut ralentir la progression de la réunion, et donc limiter l’avancement des initiatives.
Enfin, regardez comment les gens travaillent et interagissent. La meilleure façon de développer vos collaborateurs est de leur donner un feedback sur la base des interactions que vous avez observées. Ce sont parfois de petites choses qui permettent aux personnes de progresser.
En résumé, voici les éléments les plus utiles à la concentration d'un dirigeant lors d'une réunion :
- Définir le cadre de la réunion dès le début
- S'assurer que chacun est écouté lorsqu'il prend la parole
- Obtenir une large participation afin de favoriser la sagesse de groupe
- Savoir quand faire part du point de vue du « dirigeant »
- Être à l'écoute lorsque la conversation atteint son point culminant et suggérer l'étape suivante
- Montrer l'exemple en faisant preuve d’attention et d’écoute, ainsi qu’en demandant des clarifications en posant des questions
- Résumer les discussions lors de la clôture de chaque sujet, ainsi qu’à l’issue de la réunion
- Reconnaître que les compétences en matière de réunion sont un processus d’amélioration continue
- Faire comprendre au groupe que des progrès ne sont réalisés que si tous les participants tiennent réellement parole et réalisent, entre chaque réunion, les actions sur lesquelles ils se sont engagés.
La valeur des réunions de direction
Chaque réunion à laquelle participe un dirigeant doit être en rapport avec ses priorités. La plupart des dirigeants ont une liste qui énumère les objectifs de leur entreprise dans 5, 10, 20 ou 50 ans. Chaque année, ils élaborent une liste plus ciblée qui décrit leurs objectifs à 12 mois. Je me souviens avoir demandé à un PDG de prendre la parole lors d'un séminaire. Il a ouvert le tiroir de son bureau et en a sorti une liste de 20 priorités. « Paul, si tu es capable de me démontrer que ma participation à cette conférence fera avancer quelque chose sur cette liste, je viendrai. Sinon, même avec tout le respect que j’ai pour toi, je refuse. »
Les dirigeants peuvent également continuer à s'interroger sur la valeur ajoutée de chaque réunion à laquelle ils participent. Souvent, les réunions sont organisées parce que cela semble être la meilleure chose à faire. Nous avons besoin de réaliser une consultation, nous voulons travailler sur l’engagement des collaborateurs, ou nous voulons changer la culture d’entreprise. Au moment où ces réunions sont proposées, elles semblent parfaitement logiques. La question est de savoir si elles sont vraiment le seul moyen de travailler à ces questions. Sont-elles vraiment pertinentes ? Nous réunirions-nous si nous n’avions pas l’habitude de toujours procéder ainsi ?
Être disponible, réactif et engagé est essentiellement ce qui est attendu de la part de tous les dirigeants. Échanger avec les autres est l’une des meilleures manières pour eux d’atteindre leurs objectifs. Si nous élargissons la définition d’une réunion, celle-ci inclurait sans doute les conversations en tête-à-tête, qu’elles soient en présentiel ou à distance.
Ces dernières années, l'accent a été mis sur l'engagement des collaborateurs, ainsi que l'écoute et la consultation des diverses parties prenantes. Les attentes en matière d'inclusion, de consultation et d'influence sur la direction ont augmenté. Cette tendance devrait se poursuivre.
En dépit de cet élargissement de la consultation, la plupart des dirigeants savent qu'ils sont plus efficaces dans de petits groupes de quatre ou cinq personnes. Les réunions de plus grande envergure exigent une plus grande préparation et davantage de compétences en matière d’animation. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’ils ne les animent généralement pas. Ils préfèrent pouvoir se montrer attentif envers chaque personne qui s'exprime et réserver leur prise de parole aux cas où le groupe a besoin de leur point de vue ou de leur opinion sur une décision. Les dirigeants qui maîtrisent la notion d'alignement et d'engagement font également le lien entre l'attention et la bienveillance. Un simple signe de tête ou un sourire de leur part peut signifier beaucoup pour quelqu'un dans la réunion.