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Innovation, réactivité et résilience : le rôle de la technologie et des réunions dans la logistique

Toujours en mouvement, la logistique s'appuie sur des flux d'informations pour optimiser ses activités. Comment les réunions participent-elles à la bonne analyse des données, à l'alignement des équipes et à la prise de décision ?

Philippe Hemard
Philippe Hemard
Philippe Hemard

La logistique est la colonne vertébrale de nombreuses activités commerciales et industrielles. Sans elle, pas d’approvisionnement, pas de mouvement de stock et pas de livraison. Durement affecté par la récente crise sanitaire, le secteur logistique a montré ses capacités de résilience et d’adaptation pour faire face, notamment, à l’explosion du e-commerce et du commerce hybride. 

Transversale par nature, la logistique s’appuie sur les flux d’informations pour gérer les flux physiques. Dans un contexte de dispersion géographique, de multiplicité des acteurs et d’incertitudes quant à la reprise, quels rôles jouent la technologie et les réunions dans l’organisation des activités, l’alignement des équipes et la performance du secteur ? Avec plus de 20 années d’expérience dans le développement des chaînes d'approvisionnement de bout en bout pour des entreprises telles qu'Amazon, Danzas (désormais, DHL) et FDS France, Philippe Hemard partage sa vision du futur de la logistique et apporte un éclairage sur la fonction des réunions au sein du secteur.

 

La crise sanitaire a frappé la chaîne logistique de plein fouet. Comment la logistique peut-elle encore créer de la valeur pour les consommateurs et les organisations ?

Philippe Hemard : La logistique crée plus que jamais de la valeur pour les consommateurs et les organisations. Comme tous les secteurs, elle a souffert de la crise sanitaire en raison, notamment, des pénuries. Mais la logistique a su s’adapter en repensant ses réseaux et ses chaînes d’approvisionnement. C’est elle qui a permis, en partie, la mutation du commerce traditionnel vers une forme de commerce distant, en rendant les stocks accessibles à travers la création de circuits de distribution et de points de prélèvement.

Cette mutation ne fait que renforcer la tendance à l’omni-channel qui se développe depuis ces trois dernières années. Les stocks en magasin sont disponibles sur le net, et les clients peuvent choisir de venir retirer le produit en boutique, en point de retrait ou être livré à domicile. Cette accessibilité des produits sous différentes formes est ce qui a permis, et va continuer de permettre, aux commerçants de poursuivre leurs activités en dépit des obstacles. Même si l’on peut espérer sortir prochainement du confinement, il faut être réaliste : il y aura des contraintes pendant encore un bon moment. Tout le monde va continuer à peaufiner ses techniques de vente à distance, et ce sera aux réseaux logistiques de soutenir les efforts des commerces.

 

Quand on parle de la logistique, on pense tout de suite aux flux physiques. Or, la gestion logistique requiert aussi d’analyser et d’exploiter de nombreuses informations. Qu’est-ce qui, selon vous, contribue ou facilite le partage des informations ?

Philippe Hemard : En premier lieu, et de manière évidente, le Cloud et toute la partie Internet. Aujourd'hui, il est possible de stocker énormément de données à travers des solutions « on-demand ». Mais ce n’est pas tout : ces espaces de stockage presque infinis permettent aussi la manipulation des données et leurs calculs. Le Cloud a révolutionné la logistique, qui est une grande créatrice et consommatrice de données.

La législation s’est également mise au diapason de la digitalisation. Le transport peut désormais se passer des documents obligatoires au format papier. La blockchain permet une authentification et une sécurisation poussée des informations et des documents pour les rendre infalsifiables. Mais ce n’est pas l’unique avantage de la blockchain dont la vocation est beaucoup plus universelle. Elle va permettre de codifier et de stratifier les échanges autour de normes et de nomenclatures partagées.

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Comment la logistique se réinvente par la technologie ?

Philippe Hemard : Le Cloud et les capacités de calculs des ordinateurs ont déjà beaucoup fait évoluer la logistique. Mais la technologie touche aussi les moyens physiques, comme on le voit avec les véhicules autonomes, les drones, les robots dans les entrepôts ou les systèmes de stockage. Même les camions traditionnels deviennent de plus en plus sophistiqués grâce à l’apport de l’intelligence artificielle et du machine learning qui permettent une optimisation des tournées de livraison. Du côté des entrepôts, ce sont les « Warehouse Management Systems », ces systèmes de gestion de l’information et de l’inventaire, qui permettent une optimisation du travail et de l’espace pour gagner en productivité. Les systèmes informatiques ont toujours évolué, mais l’arrivée de l’intelligence artificielle et du machine learning accélère le changement et rend la logistique plus efficace, plus rapide et moins coûteuse.

Pour moi, l’intelligence artificielle va être de plus en plus utilisée. À titre d’exemple, je citerai les prévisions de ventes qui sont toujours un exercice difficile à réaliser, même pour l’IA. Cependant, les systèmes d’approvisionnement ou de gestion des stocks qui possèdent un niveau d’intelligence artificielle leur permettant d’intégrer des données exogènes à l’entreprise - et plus seulement des données historiques - sont beaucoup plus réactifs. Aucun système, si bon fut-il, n’aurait pu prévoir l’impact du COVID-19. Mais les systèmes connectés, souples et probabilistes dans leurs calculs sont capables de proposer des potentiels de ventes en faisant jouer différents scénarios face à des incertitudes.

 

L’une des caractéristiques du secteur logistique est sa dispersion géographique. Est-ce que les réunions jouent un rôle dans l’alignement de toutes les parties prenantes ?

Philippe Hemard : La logistique, par définition, est un réseau étendu qui nécessite de faire appel à des moyens de communication pour échanger des informations entre différents sites. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’une partie de ces échanges passer par des réunions. Ces dernières ne servent d’ailleurs pas qu’à échanger des informations.

 

Les réunions permettent aussi de se retrouver, de s’aligner et de s’assurer qu’il y a bien une compréhension commune de la performance.

Philippe Hemard
Fondateur de l’entreprise de conseil PHC

 

C’est le cas, par exemple, des réunions de reporting. Ceci étant, pour que ces réunions aient de la valeur, tous les participants doivent présenter leurs chiffres de la même façon. Il faut avoir un standard commun qui permette de valider les interprétations. C’est d’autant plus important quand l’organisation est géographiquement dispersée. 

Dans d’autres types de réunion, comme les réunions de projet, l’alignement doit se faire avant même que la réunion n’ait commencé à travers la rédaction d’un ordre du jour . On se réunit pour prendre des décisions, trouver de nouvelles solutions ou travailler ensemble sur un aspect précis : il est donc essentiel de définir en amont quel est l’objectif à atteindre.

 

Estimez-vous que les réunions contribuent à des prises de décision plus rapides et/ou mieux informées ? De quelle manière ?

Philippe Hemard : Si la réunion est efficace, elle va naturellement contribuer à une meilleure prise de décision . En revanche, si la réunion est mauvaise, elle n’apportera strictement rien. La question est de savoir s’il est toujours nécessaire d’organiser une réunion pour prendre des décisions. Cela dépend beaucoup de chaque organisation et du niveau d’autonomie des collaborateurs. D’une manière générale, je pense que plus l’organisation est grande, et plus la réunion s’impose d’elle-même. Dans ce type de structures, il est très rare que les personnes, quel que soit leur niveau de responsabilité, soient complètement autonomes des autres départements dans la prise de décision.

La même question se pose au niveau des équipes. Là, tout dépend du type de management. Dans certaines entreprises, la hiérarchie a un fort pouvoir décisionnaire. Dans ce cas, les dirigeants auront tendance à ne pas voir l'utilité de faire des réunions puisque ce sont eux qui, au final, décideront - à tort ou à raison. À l’opposé, il existe des environnements plus collaboratifs dans lesquels il est nécessaire de rechercher l’alignement de l’équipe pour prendre une décision. Une réunion sera alors un très bon moyen de rechercher un alignement et/ou une validation.

Ensuite, la nécessité ou non de passer par une réunion pour prendre des décisions est aussi liée à la valeur qu’apporte celle-ci. Prenons l’exemple d’une dépense d’investissement. S’il existe un processus solide selon lequel le demandeur doit remplir des documents pour justifier cette dépense afin d’obtenir une autorisation, une réunion n’est pas nécessaire. Tout est une affaire de structure et de qualité des informations.

 

Y a-t-il une chose qui distingue une mauvaise réunion d’une bonne réunion ? Qu’attendez-vous des réunions auxquelles vous participez ou organisez ? (en termes de résultats, de préparation des participants, de disponibilité des informations, etc.)

Philippe Hemard : Pour moi, une mauvaise réunion est celle dans laquelle il n’y a pas les bons participants. C’est valable pour les réunions pour lesquelles trop de personnes ont été invitées, ou celles où il y manque les personnes clés. Dans le premier cas, en imaginant que 50 personnes ont été conviées alors que seulement 10 étaient réellement nécessaires, on peut supposer que la réunion débouchera quand même sur le résultat escompté. Il n’en reste pas moins vrai que cette réunion aura fait perdre du temps à 40 personnes et que si c’est une habitude, ces personnes vont se lasser et finiront même par ne plus participer. 

En dehors du choix des participants , une réunion peut être mauvaise parce qu’elle a mal été animée. Ce peut être le cas lorsque les discussions dévient de l’ordre du jour, que l’ordre du jour n’a pas été bien rédigé ou que la réunion a été mal préparée - par exemple, la documentation n’a pas été fournie.

Quant aux bonnes réunions, ce sont celles pour lesquelles les participants ont été soigneusement sélectionnés. Ce sont celles pour lesquelles l’organisateur a pris le temps de réfléchir à l’objectif à atteindre. Cette définition de l’objectif aide également à choisir les participants. Une bonne réunion est aussi une réunion qui commence et finit à l’heure, dans le respect de l’agenda de chacun. 

Bien sûr, il faut aussi être bien préparé. Une des méthodes utilisées chez Amazon était d'incorporer le temps de lecture dans la réunion. La raison était toute simple : des personnes qui ont des réunions l’une après l’autre tous les jours n’ont pas le temps de lire des documents avant chacune d’elles, en supposant, en plus, que tous les documents soient disponibles. Une réunion pouvait donc être planifiée de 16h00 à 17h30, avec un message indiquant que la première demie-heure serait consacrée à la lecture. Vous pouviez décider de ne venir qu’à 16h30 si vous aviez eu le temps de prendre connaissance de la documentation.

Un autre aspect important des bonnes réunions réside dans le déroulement. Si 10 personnes ont été invitées, charge à l’organisateur de faire en sorte que chacune d’elles puisse donner son avis. La performance d'une réunion ne se mesure pas au temps passé dans une salle, mais par l'efficacité du travail qu'elle va générer. Et pour cela, pas de mystère, il faut une bonne préparation, des informations de qualité, un compte-rendu des discussions et une liste des actions à faire. Voilà les ingrédients d’une bonne réunion.

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Philippe Hemard
Philippe Hemard
A propos de l'auteur
Philippe Hemard est le fondateur de l’entreprise de conseil PHC. Il est l’ancien vice-président d'Amazon Logistics Europe et occupe des fonctions de conseiller au sein de plusieurs conseils d'administration. Il enseigne également la gestion de la supply chain.